ÉCOUTER L'INTERVIEW
(Version audio bientôt disponible)
Savais-tu qu’on retient 10 % de ce qu’on lit alors que ce chiffre grimpe à 30 % lorsque l’on remplace la lecture par l’écoute ? Antoine Cariat et Julien Romain l’ont bien compris et proposent aux étudiants de réviser via le podcast.
En 2016, en plein Erasmus à Bologne, Antoine a envie de tout, sauf de réviser. Il décide donc de s’enregistrer réciter ses cours et écoute ses enregistrements maisons en déambulant dans la ville. Le résultat est sans appel: Antoine réussit ses examens avec une facilité toute trouvée. C’est de cette “anecdote” de voyages qu’est née Easyllabus, une plateforme de podcasts créés par et pour les étudiants, et qui comptabilise aujourd’hui 15.700 inscriptions et entre 20.000 et 60.000 écoutes par mois.
On a voulu en savoir plus sur la genèse de ce projet et son état actuel. Rencontre avec Antoine Cariat, le fondateur de cette appli et entreprise ingénieuse.
L’idée a donc germé dans ta tête en Erasmus. Comment l’as-tu ensuite concrétisée ?
En rentrant en Belgique, je me suis renseigné et je n’ai pas trouvé de boîte qui faisait la même chose. Je suis entré à l’ICHEC (une école de commerce bruxelloise, NDLR) où il y avait un incubateur de start-up. Ils offraient du coaching, un coworking et des formations. J’ai travaillé seul pendant un an et demi avant que Julien Romain, mon associé, ne me rejoigne.
J’ai fait mes premiers tests fin 2019 dans ma chambre, avec un micro et une carte son d’occasion. Ça a pris très vite: on a eu quelques centaines, puis des milliers d’auditeurs uniques par mois. Lorsque j’ai été diplômé de l’ICHEC, Easyllabus n’était pas du tout une entreprise, juste un projet d’étudiants.
Fin 2019, lors du Digital Soft à Tour & Taxi (un salon entrepreneurial), j’ai été abordé par Digital Attraction, un fond wallon qui finance des boîtes tech. Grâce à eux, j’ai eu un fond de 25.000€ pour lancer officiellement l’entreprise le 20 janvier 2020. Jusque là, j’étais limité dans mes capacités de production, c’est-à-dire juste moi. Les 25.000€ m’ont permis de recruter des étudiants. J’ai fait un test grandeur nature et tous nos chiffres ont été multipliés par dix.
En juillet 2020, Digital Attraction nous a octroyé 75.000€. C’est là qu’on a créé l’application, car avant ça, on passait par les applications de podcast “traditionnelles” : Spotify, Apple Podcast, etc. On voulait notre propre CPM, choisir nos annonceurs, facturer à nos tarifs, et proposer une solution d’abonnement avec des fonctionnalités en plus. Actuellement, on a six étudiants qui enregistrent pour nous.
Le Covid a-t-il boosté vos chiffres ?
Plutôt l’inverse. On l’a oublié, mais au tout début, les étudiant·es ne savaient même pas s’ils allaient devoir passer leurs examens. Il y a donc eu une grande perte d’intérêt, ils n’apprenaient plus leurs cours, peu importe la manière. Ensuite, le gouvernement a décrété qu’ils allaient devoir passer leurs examens… mais il y a eu une énorme phase de distanciel. Les étudiants étaient chez eux et suivaient leurs cours via un écran. Prendre la peine, en plus, d’écouter des podcasts, se relancer sur des écoutes d’une heure, c’est compliqué. On a aussi perdu des moments d’écoute, puisque la plupart nous écoutaient habituellement dans les transports en commun, quand ils faisaient du sport… ce qu’ils ne pouvaient plus faire. Quand le distanciel a été abandonné, ça a eu un effet positif sur nos écoutes. Les gens ont commencé à utiliser l’app et à l’intégrer dans leur routine.
Quelles sont vos sources ? Où allez-vous chercher les textes des épisodes ?
On trouve des notes de cours et des synthèses d’étudiant·es, la plupart validées par la communauté estudiantine, par exemple une étudiante tête d’auditoire qui partage ses synthèses, avec un engagement super fort. On passe beaucoup par les groupes Facebook des universités et hautes écoles. On contacte cette personne, on lui demande si on peut transformer sa synthèse en podcast audio pour la mettre sur notre app. Elle est bien entendue créditée. Sur plus d’une centaine de demandes de ce type, on n’a jamais eu un seul refus.
Est-ce qu’Easyllabus s’adresse uniquement aux étudiant·es ?
Justement, on est en train d’opérer un changement pour rendre Easyllabus attractif en dehors du monde étudiant. À la base, Easyllabus, ce sont des audios basé sur des notes de cours et synthèses faites par des étudiants, avec comme slogan : “On vous aide à réussir vos examens”. Aujourd’hui, on a envie de vulgariser le savoir général et de mettre en avant l’apprentissage d’une autre manière. On veut faire en sorte que toi, moi, mon père ou mon grand-père aillent écouter des podcasts sur Easyllabus. C’est difficile de faire entrer dans la tête des gens qu’ils peuvent apprendre des choses sans qu’il y ait un test derrière. Pourtant, je pense que les gens aiment apprendre.
Pour ce faire, on a développé un “studio” virtuel qui donne la possibilité à n’importe qui, étudiant ou non, d’uploader un podcast sur la plateforme. À termes, ces personnes seront rémunérées en fonction de leurs écoutes, comme sur YouTube. Notre but est de faire de l’édu-divertissement : apprendre, tout en étant diverti. Même si je n’aime pas cette expression, on aimerait devenir “le TikTok ou le YouTube de l’éducation”.
Pour résumer, on a donc des capsules faites par Easyllabus qui sont des résumés de notes de cours et de synthèses, et des capsules faites par la communauté qui sont plutôt du savoir général.
Quel genre de contrôle avez-vous sur ces contenus uploadés par tout un chacun ?
Il y a un système de modération pour supprimer les contenus racistes, homophobes, sexistes, etc. et les contenus plagiés. En revanche, s’il y a une faute historique ou scientifique dans un podcast, c’est la communauté qui devra le signaler. Si on ouvre à tout le monde, on ne peut pas tout contrôler.
Il y a une version gratuite et une version payante de l’app. Quelles sont les fonctionnalités supplémentaires avec l’abonnement payant ?
Pour l’instant: pas de pub, l’écoute hors ligne, et on peut lire la synthèse en même temps qu’on l’écoute. On aimerait étoffer cette offre premium avec notamment des pop-ups visuels.
Quels retours recevez-vous ?
On reçoit énormément de retours positifs. On a décelé deux persona principaux. Il y a l’étudiant·e qui va écouter des podcasts pendant la période scolaire et ne va pas attendre la dernière minute pour écouter. En général, ce sont plutôt des femmes. D’ailleurs, sur les 110 personnes contactées pour leurs synthèses et notes de cours, ce sont 90% de femmes. Et puis, il y a l’étudiant·e qui nous écoute uniquement pendant les blocus, des périodes durant lesquelles nos chiffres explosent.
