Un superbe premier documentaire sonore sur un terrible secret d’enfance concernant toute la société. L’intime et l’universel se mélangent dans cette heure de sons parfaitement enregistrés, montés. On est emporté.
En 2019, Léa entend battre dans son ventre le cœur de sa fille. Au même moment, le cœur de sa grand-mère s’essouffle tandis que son père, Jean, attend la greffe d’un nouveau cœur. Synchronicité des cœurs sur quatre générations, c’est plutôt intense. Et ce n’est pourtant pas tout.
Après la transplantation, Léa demande à son père comment il se sent. Et lui de répondre : “Tu sais, j’ai l’habitude de me dissocier : d’un côté ma tête et de l’autre mon corps”. Dissociation. Dissociation sonne comme oscillation. Oscillation des notes que le père, dissocié, repère à la perfection. Cet ingénieur du son passionné a enregistré les plus grands orchestres de musique classique à travers le monde.
Le récit intime de Léa Chatauret s’ouvre sur une discussion téléphonique avec ce père. « Tu sais le podcast sur lequel je travaille, je voulais être sûre que pour toi, c’était ok que ce soit dit publiquement, à plein de personnes qu’on ne connaît pas ». C’est une histoire intime, personnelle, oui. Mais elle concerne aussi toute la société. Pour Léa Chatauret, c’est important d’en parler.
Oser enfin s’ouvrir
Quand, à 45 ans Jean parle à sa mère, elle se bouche les oreilles. Entre neuf et onze ans, il chantait dans le chœur des Petits Chanteurs de la Renaissance et était victime d’agressions sexuelles de la part de son professeur de piano. Soixante ans plus tard, avec l’aide d’un nouveau cœur, d’un nouveau souffle, et de la complicité de sa fille et d’un micro, il parvient à parler de ce traumatisme qui a impacté jusqu’à son rapport avec ses propres enfants.
Si depuis des années les paroles se libèrent, encouragées par beaucoup à s’ouvrir, les victimes se heurtent pourtant souvent à des murs. Ce documentaire offre une réflexion plus générale sur la transmission et le dialogue possible ou non autour des violences sexuelles portées aux enfants. C’est un sujet d’utilité publique. Comment parler de la pédophilie aux petits ?
Au-delà de son sujet, À cœur ouvert est avant tout une œuvre sonore magnifique, un objet d’art avec ce qu’il comporte de beauté, de travail extrêmement précis – et il y en a beaucoup du travail, des années d’enregistrements – et d’originalité.
À cœur ouvert, un podcast français de Léa Chatauret pour Arte Radio.
