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Matt Graves, le podcasteur américain qui déterre de vieilles affaires belges

Après l’affaire Dutroux qu’il décortique habilement dans le podcast Le Monstre, le podcasteur américain Matt Graves s’est penché sur l’affaire des tueurs du Brabant. On a eu la chance de le rencontrer pour discuter avec lui des coulisses de ce podcast et de sa méthode de travail.

Pourquoi faire un podcast sur les tueurs du Brabant ?

Les tueries du Brabant, c’est l’un des cold case les plus mystérieux de l’Histoire européenne. C’est de loin le plus grand cold base belge. On parle de 28 morts, plus de vingt attaques, et jamais on a arrêté ceux qui ont fait ça. Et donc moi, j’ai vu ça, je suis américain, donc j’ai vu ça de l’extérieur et je me suis dit : “Ce n’est pas possible que ce soit pas résolu ! Je dois comprendre cette affaire”. Même bien avant de faire le podcast. J’étais fasciné par cette histoire, tout simplement. 

Quand avez-vous eu l’idée d’en faire un podcast ?

J’ai fait un grand podcast de 12 épisodes en anglais sur l’affaire Dutroux, qui s’appelle Le Monstre. Dans le cadre de ce podcast, j’ai interviewé beaucoup d’anciens gendarmes, de policiers, de victimes, de magistrats, etc. Et deux fois, ça a touché l’affaire des Tueries du Brabant. Ça m’a intrigué que même en plein pendant ce projet-là, on m’en parlait. Je me suis dit : “Ouh, y’a quelque chose à faire là, je le sens”.

Habituellement, je réalise des podcasts en anglais, en collaboration avec une grande maison de podcasts américaine, Tenderfoot TV. Avec cette notoriété, j’ai pu franchir la porte de la RTBF pour pitcher ce podcast. Ils m’ont demandé : “Pourquoi faire ça avec vous ?”. Je leur ai répondu qu’il fallait de toute façon faire un podcast sur cette affaire, avec ou sans moi. Et que s’ils ne le faisaient pas, ils passaient à côté de quelque chose.

Avez-vous travaillé seul sur ce podcast ?

J’ai pitché l’idée, mais le vrai talent derrière le podcast, c’est d’abord Thomas Resimont. C’est lui qui fait la production, le son. Il y a aussi Jeanne Savignat qui a réalisé Les Tueurs du Brabant avec moi. Jeanne a 27 ans, et elle est passionnée par les podcasts. Elle ne m’a pas juste aidé, elle a presque tout fait vis-à-vis de l’écriture. On a défini la structure ensemble. Elle a vraiment fait un travail remarquable. J’ai de la chance de l’avoir trouvée. Et puis, on a trouvé Serge Hollogne qui fait la narration du podcast. C’est une affaire très belge, je voulais donc absolument trouver quelqu’un qui a un talent d’acteur et de voix, et qui a résidé dans la région et a vécu cette affaire. C’était une équipe qui marchait du tonnerre. 

Qu’est-ce qui vous a surpris au cours de cette enquête ?

Beaucoup de choses m’ont étonnées. Quand on est face à une victime, on se rend compte que c’était vraiment extrêmement violent. Souvent, les gens pensent que c’était “juste” des attaques dans des supermarchés. Et quand on discute avec les victimes, on découvre la violence de ces attaques, et le sang froid avec lequel elles ont été exécutées. Il y a une interview durant laquelle j’ai pleuré avec la victime tellement j’étais bouleversé. Je connaissais cette affaire, mais pas dans ces détails-là.

C’est la première fois que vous collaborez avec la RTBF. Qu’est-ce que ça a changé pour vous ?

Comme c’est une chaine publique, la RTBF a certaines balises. Dans Le Monstre, je confrontais certaines personnes et je faisais des choses à la limite du légal. Ici, je savais que ça n’allait pas être un podcasts d’investigation active. C’était surtout pour relater les faits. Et honnêtement, ça m’a un peu ennuyé au début. J’ai vraiment poussé pour faire un podcast d’investigation. Finalement, on a quand même fait quelque chose de très intéressant. On a pris deux théories crédibles et on les a creusées. Et on a découvert plusieurs choses !

Qu’avez-vous découvert ?

Premièrement, une découverte personnelle : je n’ai jamais entendu une explication pour ces crimes qui tienne la route ! Ensuite, il y a un scoop dans le podcast. C’est grâce à Patrick Michel, le journaliste de la RTBF, qui a fait une interview avec Christian Smets, à peu près sur son lit de mort. Christian Smets, c’était le numéro 2 de la Sûreté de l’État, qui était emmêlé dans l’affaire et accusé même d’être dans l’affaire, derrière les attaques. À la fin, il a dit : “Écoutez, y’avait un racket quoi. C’était un racket des Delhaize, et je le sais car un administrateur m’a dit qu’ils ont payés, mais ils ne l’ont dit à personne”. C’était il y a quelques mois et on entend la vraie voix de Christian Smets, sur son lit de mort, qui dit : “C’était un racket”. C’est vraiment fou. En plus, lui, il dit que la gendarmerie ne voulait pas trouver de solution pour cette affaire… D’entendre sa propre voix le dire, c’est prenant.

Comment arrivez-vous à faire parler les gens sur des affaires si sensibles comme les tueries du Brabant ou l’affaire Dutroux ?

La chance, c’est d’être américain. Les gens se disent : “C’est qui ce couillon américain qui vient me poser des questions ?”. Ça me donnait parfois l’occasion de dire : “Écoute, moi je ne fais pas partie de la presse belge traditionnelle, mais cette affaire est passionnante et je voudrais la faire découvrir peut-être en anglais aussi, expliquez-moi ce qui s’est passé”. Et parfois, ça m’ouvre des portes.

Sinon, je crois qu’il faut avoir une approche… ce qu’on appelle en anglais “a dog with a bone”. C’est comme un chien avec un os, il ne faut pas arrêter, il faut trouver le moyen, et ne pas abandonner. Jusqu’à ce qu’on te foute dehors. J’ai eu ça avec l’une des victimes, Daniel Dekeyser, qui ne veut parler à personne. Je suis juste allé chez lui. C’était très difficile, c’était très chaud, et finalement, il m’a proposé de m’asseoir et de discuter avec lui. C’était un peu de chance aussi peut-être… Mais tout ce que je dirais aux gens qui font des podcast, c’est qu’il ne faut pas lâcher la grappe. Quand on commence les démarches pour avoir une interview, il faut la demander d’une façon où on ne va pas te dire non. Il faut réfléchir à ça, et il faut réfléchir aussi à ce que tu vas faire : si on te dit non, quelle est ta réponse ? Et ça, il faut l’avoir en tête avant le premier appel.

Pourquoi écouter “Les Tueurs du Brabant ?”

Une des choses les plus intéressantes dans ce projet, c’est d’entendre les vraies voix des personnes et de revivre un peu les expériences qu’ils et elles ont vécues. Cette affaire doit être résolue ! Ça pourrait être via un podcast. Les gens me regardent comme si j’étais fou quand je dis ça, mais aux États-Unis, il y a au moins une vingtaine de crimes non résolus qui l’ont été grâce aux podcasts, même plus peut-être. Je peux pas imaginer que cette affaire ne soit pas résolue…

Quels sont les podcasts qui vous inspirent ?

Je suis un junkie de podcasts. À la base, ce qui m’excite le plus, c’est de les écouter, encore plus que de les faire. Ceux qui m’inspirent énormément c’est ceux de Hedley Thomas pour The Australian. J’ai été très inspiré aussi par le podcast de true crime Someone Knows Something de David Ridgen. Il m’inspire par son empathie. Il a une façon de faire avec les victimes, et même avec des criminels. Il n’a peur de rien. Dans le genre true crime, ce sont vraiment mes deux héros.

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