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On a testé pour toi l’offre payante de “Réalisé sans trucage”

L’information de qualité se paie, même si la gratuité a la peau dure sur le web. Le podcast cinéma Réalisé sans trucage a choisi le service Acast plus pour proposer cinq émissions réservées aux abonnés·es. Ça vaut 6€ par mois ? On a testé pour toi.

Payer pour un podcast, vraiment ?

Encore plus que les vidéastes Youtube à leur époque dorée, les podcasteurs·euses sont probablement celles et ceux suscitant le plus de relations « parasociales » – ce sentiment d’intimité qu’on lie avec des personnalités qu’on ne connaît pas personnellement. Ils et elles nous parlent directement dans nos oreilles, nous accompagnent dans des moments quotidiens pénibles, des transports aux tâches ménagères. Et il en faut, de l’attachement, pour faire passer les auditeurices à la caisse, dans un monde où règne l’habitude du tout-gratuit.

Il faut être courageux·euse pour concevoir un modèle économique sur le web, et une diversité de choix abonde : financement participatif, contenus sponsorisés, liens affiliés… Le podcast Réalisé sans trucage a choisi la formule du « paywall », qui offre des émissions exclusives aux personnes abonnées. Parfois critiquée pour la frustration qu’elle induit, la méthode implique que les journalistes investissent beaucoup d’énergie (pour que le résultat « vaille le coût », littéralement) dans un travail qui ne touchera qu’une audience minoritaire, munie des moyens et du temps suffisants pour en profiter.

Je suis l’équipe de Réalisé Sans Trucage depuis des années, lorsque qu’elle officiait déjà dans Pardon le cinéma, jusqu’à ce que des enquêtes journalistiques révèlent des faits de harcèlement sexuel à charge du présentateur de l’époque. S’étant explicitement désolidarisés de leur collègue mis en cause, Simon Riaux, Sophie Grech, Alexis Roux et Arthur Cios reforment un noyau autour du spécialiste de la science-fiction Nicolas Martin début 2023. Leur offre payante démarre début 2024 et égraine cinq émissions exclusives, chacune réalisée par un des membres de la bande (le podcast hebdomadaire traitant les sorties ciné reste, lui, 100% gratuit). Déverrouiller l’accès à ces contenus coûte précisément 6,05€ par mois (dont 5 reviennent aux journalistes, une fois les taxes déduites), tandis qu’une option alternative propose de se débarrasser des publicités de l’émission-phare pour 2€. Alors, ce florilège qui a déjà convaincu plus de 700 cinéphiles mérite-t-il ton argent ? Tour d’horizon et verdict.

Le mal aimé par Arthur Cios (1 épisode paru)

Journaliste cinéma pour Konbini (on lui doit le génial « Vidéoclub »), l’attachant Arthur Cios incarne le cinéphile pur-jus, du genre à se remater l’intégralité de la filmographie d’un·e réal pour mieux cerner son nouvel opus. Son concept capitalise sur sa culture encyclopédique d’une façon originale : Le mal aimé revient sur un film “injustement détesté pour en saisir les véritables qualités”.

Dans le pilote consacré à Alien : la résurrection (Jean-Pierre Jeunet, 1997), le spécialiste ne nous prend pas pour des bleus : il présuppose qu’on connaît l’histoire de la production de cette incontournable saga S-F, qu’on maitrise les bases de son intrigue. Cios ne perd pas de temps, certain qu’il confectionne là un podcast « de niche », ce qui lui permet de mêler savamment anecdotes de tournage savoureuses (le metteur en scène d’Amélie Poulain à Hollywood, c’est pas banal) et séquences d’analyse pertinentes. Il rappelle des références explicites, identifie des tropes propres à Jeunet, mais livre aussi ses propres clés d’interprétation. Le résultat est fascinant, personnel, rythmé par des extraits sonores adéquats… Et, c’est sûr, on ne trouvera rien d’aussi pointu ailleurs.

Appréciation : ★★★★

Alerte spoiler par Sophie Grech (5 épisodes parus)

Forme plus classique pour l’émission dédiées aux séries, présentée par la critique et attachée de presse Sophie Grech. Dans une ambiance détendue, propice aux fous rires, elle s’entoure de passionnés·es pour décortiquer les monuments du petit écran, de Buffy à The Office.

Si le conducteur des échanges se veut traditionnel (« c’est quoi, votre épisode préféré ? », « comment avez-vous découvert cette série ? »…), certaines séquences ont aussi trait à l’intime, tant les sagas au long cours peuvent nous réconforter dans les moments de déprime. Surtout, Alerte Spoiler a l’originalité de se décliner en deux volets : le premier présente l’œuvre sans déflorer ses péripéties, le second s’adresse aux connaisseurs, ce qui permet d’approfondir des révélations ou le caractère des personnages.

Les chroniqueurs·euses qui entourent Sophie (qui changent en fonction du sujet, pour s’entourer uniquement de spécialistes) ne se gênent pas, en débattant carrément des twists de fin (vous voilà prévenus). Si on n’est pas allergique au spoil, il s’agit peut-être du meilleur vecteur pour découvrir une série sans la regarder : par le prisme enthousiaste de celles et ceux qui l’adulent.

Appréciation : ★★☆☆

Chez Josiane… par Nicolas Martin (1 épisode paru)

Présentateur principal de Réalisé Sans Trucage, Nicolas Martin a pour alter-ego Josiane, une actrice de charme imaginaire – le gag se poursuit jusque dans le nom de la formule payante, titrée Josiane, 45 ans…

Dans ce pilote en accès libre, il confectionne un cadre intimiste et baroque pour interviewer Gabriel Donzelli, acteur de théâtre et fils de réalisatrice. Solaire, l’invité se prête au jeu abscons d’un Nicolas Martin en roue libre qui, quand il ne se cherche pas une voix de cougar, bombarde son interlocuteur de questions classiques mais efficace (le film que tu es le seul à aimer, que tu pourrais revoir à l’infini, que tu détestes alors que le reste du monde l’adore…). Ce ping-pong bariolé fonctionne, mais pas certain que le format siérait à un artiste moins espiègle : le concept semble encore un peu flottant.

Appréciation : ★☆☆☆

Mise au point par Alexis Roux (3 épisodes parus)

Pour son émission, le critique s’est lancé un défi casse-gueule : proposer une analyse de plan… en audio. Comment décrypter le visuel sans image ? Par la précision du langage cinématographique qu’Alexis Roux manie à la perfection. Misant sur la puissance évocatrice de longs extraits sonores (en VO, mieux vaut maîtriser l’anglais pour en profiter dûment), Mise au point s’arrête sur une scène-clé, des répliques à sa composition, pour en mesurer la fonction narrative et artistique.

Loin de l’exégèse académique, l’émission prend le temps de jongler entre zoom précis et regard global, dépliant chaque recoin de sa matière première le temps d’une vingtaine de minutes. Attention : munissez-vous d’une concentration à toute épreuve. Car la plongée qu’Alexis Roux confectionne mérite que l’on soit bien posé et patient, pour s’engouffrer dans les détails marquants du Parrain, de Zodiac ou de Bonnie & Clyde. Parvenir à nous faire voir le cinéma autrement sans rien montrer, c’est quand même très fort.

Appréciation : ★★★☆

D’après une histoire fausse, par Simon Riaux (5 épisodes parus)

Une adaptation serait-elle forcément condamnée à décevoir les fans du roman original ? Féru de littérature, le brillant Simon Riaux s’attaque à des piliers comme Stephen King, Frank Herbert (Dune) ou William S. Burroughs, à la lumière de leur transfert sur grand écran.

Aussi hilarant que dans Réalisé sans trucage, ce critique érudit (mon pref de la bande) va bien plus loin qu’une comparaison basique entre livre et film. Sa prose, pas toujours évidente à suivre, est pétrie de vocabulaire chatoyant, de références pertinentes et d’argot rigolo.

Entre analogie débile et analyse pointue, il faudra là aussi s’accrocher pour tout saisir de ce qui s’apparente à un essai philosophique sur l’essence des œuvres abordées. À réserver aux intellectuel·les averti·es, qui s’en délecteront. Celles et ceux venus quérir un almanach des différences entre ouvrage et long-métrage, par contre, resteront assurément sur le carreau.

Appréciation : ★★☆☆

Bref…

Si toutes les émissions ne paraissent pas avec la même régularité (certaines assurent un épisode par mois depuis janvier, d’autres démarrent à peine), le rapport quantité-prix de cette formule d’abonnement demeure convainquant.

Hautement personnels, les concepts développés permettent de mieux cerner les personnalités de l’équipe, qui déploie sa diversité tout en maintenant une cohérence éditoriale. Il faut envisager ces contenus exclusifs comme du “bonus” : on y fait son marché, tout ne nous intéressera pas, et c’est bien normal.

Souscrire à une telle offre, c’est avant tout soutenir la joyeuse bande de « Réalisé sans trucage » qui devient une référence du podcast cinéma. L’actu chaude et le traitement des sorties, eux, conservent leur accès gratuit, et on te conseille de les découvrir avant tout par ce biais.

Si tu accroches à leurs délires cinéphiles, lâcher 6€ mensuels sera la meilleure façon de les remercier – et rien que pour les 11 épisodes sortis pendant le dernier festival de Cannes, ils ont prouvé qu’ils le méritaient largement.

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