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Rencontre avec Pierre Scheurette, créateur du podcast “Pourquoi c’est drôle l’humour ?”

Pour décrypter ce qui nous fait rire, le journaliste et chroniqueur Pierre Scheurette a rencontré dix humoristes de France et de Belgique. Il en a fait un podcast de dix épisodes, chacun aussi unique que son invité·e. On a voulu en savoir plus.

Si on le connaît bien pour ses caricatures dans Moustique et ses chroniques piquantes sur Tipik, Pierre Scheurette est aussi un homme de l’ombre. Et l’humour, il connaît ça très bien. Depuis de nombreuses années, il écrit en effet pour l’humoriste star Alex Vizorek. C’est donc tout naturellement qu’il s’est tourné vers ce milieu pour en faire le sujet de son premier podcast. Dans Pourquoi c’est drôle l’humour ?, il interviewe dix humoristes sur leurs parcours, leurs techniques d’écritures, leurs inspirations… Des rencontres inspirantes et décomplexées, pleines de références culturelles, pour découvrir une partie des coulisses de ce drôle de métier.

Comment est né ce podcast ?

C’est un projet de long cours, car je l’ai proposé à la RTBF il y a presque 4 ans. Ça faisait longtemps que je voulais faire des interviews et le podcast est le bon médium pour le faire, car il offre un peu plus de liberté. La RTBF a rapidement été enthousiaste, car l’humour était un des sujets qu’elle voulait explorer, à fortiori sur Tipik. Pour moi, il y avait plusieurs objectifs personnels. C’était donc faire du podcast conversationnel, mais aussi rencontrer plein d’humoristes. Il y en a beaucoup que je connaissais déjà, mais j’avais là un prétexte pour discuter avec eux de leur pratique et de faire un peu d’espionnage industriel (rires).

Comment as-tu choisi les humoristes ? As-tu veillé à avoir un certain équilibre ?

J’ai essayé de respecter plusieurs équilibres, mais je n’y suis pas arrivé pour tous. Le plus gros problème c’est la parité hommes-femmes que je n’ai pas. Or, c’était vraiment l’un de mes objectifs. Malheureusement, les deux humoristes qui m’ont planté la veille sont deux femmes et j’ai dû les remplacer au pied levé.

Je voulais aussi respecter un certain niveau de notoriété, donc je ne voulais pas avoir un·e débutant·e dans un épisode et une grosse star de l’humour dans un autre. L’idée, c’était aussi de représenter un panel assez large de la pratique humoristique. Ça, c’était vraiment mon objectif. On a donc des invité·es qui font du pure stand-up (Fanny Ruwet), d’autres qui font de l’humour à personnages, des vidéos parodiques sur Internet (Bertrand Usclat avec Broute, NDLR.), de la BD (Marc Dubuisson), du détournement sur Internet (Coucou Charles), de l’impro…

Il y a un gros travail de montage avec des bulles sonores, des extraits, des références culturelles, etc. Comment est ce que tu as travaillé ça ?

Dès le départ, je savais que je voulais mettre beaucoup d’archives dans mon podcast, car elles apportent du rythme, mais surtout parce que quand on parle de quelque chose avec l’interviewé·e, comme un concept d’humour ou un sketch en particulier, on a immédiatement l’illustration derrière.

J’ai envoyé un questionnaire à chacun·e de mes invité·es en amont de leur interview. Je leur demandais leurs inspirations, leur premier souvenir comique… Sur base de ce questionnaire, je préparais déjà des extraits sonores que je leur diffusais pendant l’interview pour qu’ils puissent réagir dessus. Ensuite, il y avait un deuxième travail puisque forcément, pendant les interviews, il y avait des références qui émergeaient. Et donc, en montage, je me suis “amusé” à aller rechercher toutes les références citées… et ça, clairement, ça a été un travail très très chronophage. J’ai parfois passé trois heures à retrouver un bout de chronique de France Inter dont on a parlé, mais je crois que ça valait la peine.

Tu parles des chroniques de France Inter et ça me fait penser à ton épisode avec Guillaume Meurice que tu as enregistré avant son éviction de France Inter. Comment as-tu géré ça, puisque l'interview a été diffusée après…

Effectivement, ça s’est mis d’une façon un peu incongrue, parce que j’ai fait son interview en septembre. Dedans, on rebondit sur un extrait des Guignols et je lui demande si ça lui est déjà arrivé d’expliquer une blague à son N+1, et il me dit : « Non pas du tout, et heureusement parce que ce serait un moment très gênant, ça n’arrive à personne de ne pas rire à une blague et puis finalement d’y rire lorsqu’on lui explique”.

Bref, on reste là-dessus. Vient ensuite l’attentat du 7 octobre après lequel Guillaume fait une blague sur Netanyahou dans une de ses chroniques, ce qui enclenche la polémique. Moi, je monte l’épisode début novembre, et quand je ré-entends ça, je trouve ça quand même très marrant et très curieux. Je lui ai donc envoyé un petit message dans lequel je lui ai joint l’extrait sonore en lui disant : « Est-ce que tu dirais encore ça maintenant ? ». Et là, il m’a fait un vocal que j’ai intégré au montage. C’est peut-être l’épisode qui était le plus ancré dans l’air du temps, parce que ça posait une vraie question auquel il a répondu de façon très innocente, ce qui prouve bien aussi qu’il n’imaginait pas que ce qui est arrivé puisse arriver. Ce petit passage ajoute un peu de sel au podcast et à toute cette histoire.

À qui s’adresse ton podcast ?

Une journaliste de BX1 m’a demandé : « Est-ce que c’est pas un peu des humoristes qui s’adressent à d’autres humoristes ? ». Honnêtement, je ne crois pas que ce soit de l’entre-soi. Je pense que ça peut intéresser tout le monde, car beaucoup de gens aiment bien les making-of, comme ceux des films sur les DVD. Ici, c’est un peu la même chose : on découvre les coulisses de la création, ce qui intéresse quand même pas mal de gens. Bref, je pense que ça s’adresse à tous les gens qui adorent voir des spectacles sur scène, sur YouTube ou sur Netflix, et qui ont envie d’en savoir plus sur les humoristes.

Est-ce que à l'issue de ces interviews tu peux répondre à ta propre question "Pourquoi c'est drôle l'humour ?" ?

Je pense qu’il y a moyen de trouver un peu de réponse chez chacun. C’était surtout une question prétexte. À la fin, je ne sais pas si on sait pourquoi c’est drôle l’humour, mais je pense qu’on a surtout constaté combien c’est drôle l’humour. On se marre quand même souvent, grâce aux extraits on se rend compte qu’il y a plein de genres humoristiques différents et que ça peut susciter plein de rires différents.

Tout ça pour dire que demander « pourquoi c’est drôle l’humour ? », comme le dit Fanny Ruwet, c’est la même chose que demander pourquoi l’eau ça mouille. C’était surtout une excuse pour parler des techniques qui permettent de provoquer le rire et d’aborder plein de sujets comme l’état émotionnel du public et de celui qui raconte. L’humour, c’est un écosystème et un marché que je voulais explorer.

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