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“Le Goût de M” : dans l’antre des stars

On connaît bien les podcasts sédentaires : attablés face à un micro, les convives se livrent dans l’écrin d’un studio ouaté. Innervé par l’ADN de Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde, Le Goût de M appartient à une autre caste. En perpétuel mouvement, Géraldine Sarratia (Genre idéal) suit ses interlocuteurs·trices dans leurs confins les plus intimes, parfois jusque dans leur propre demeure.

Un bip sonore et strident perturbe mes oreilles et parasite la conversation que j’écoutais religieusement. Une notification agressive issue de mon téléphone ? Pardon, c’est le micro-ondes : la purée de mon fils est prête”, s’excuse Clara Luciani. Évidemment que le son venait du podcast Le Goût de M. Sa journaliste historique Géraldine Sarratia (4 ans d’épisodes hebdomadaires) s’aventure dans des lieux chers à ses invité·es, du cinéma de quartier au salon de leur appartement. L’échange commence dès les premières secondes, en itinérance, par une narration du dispositif : ”On s’est installés au premier rang, lui dans un fauteuil confortable et moi sur une chaise de jardin”. C’est acté : dans cette émission, on saura tout.

"L’impression d’être chez le psy"

Dans un registre presque abstrait qui frôle le test de personnalité, Géraldine Sarratia sonde les souvenirs sensoriels d’acteurs, de chanteuses, d’écrivains ou de décoratrices. Ça commence toujours par le goût de l’enfance. « Elle m’évoque le sucré, comme la brioche vendéenne qu’on trempe dans un verre de lait », se remémore Benjamin Lavernhe, tandis que François Civil insiste sur les églises que son père l’emmenait visiter en vacances « alors qu’il était agnostique ». On plonge à pieds joints dans l’intime, au sens premier du terme. Les marottes du père, les valeurs de la mère. Des moments partagés en famille, mais aussi des séquences de faiblesse, à l’instar des moqueries que subissait Clara Luciani à 8 ans, raillée pour sa « grande taille » et son « excentricité ». Avant qu’elle n’évoque « ce gars du bus, Fabrice, qui me faisait écouter le Velvet Underground sur son iPod ».  On saura tout, on te dit. Notamment grâce à une préparation toujours solide de Géraldine Sarratia, qui a écumé les interviews pour concocter des questions personnelles. L’identité de l’émission lui doit beaucoup : elle s’attache à décrire l’environnement de l’entretien avec une minutie de reporter, des objets jonchants le sol au décorum du plafond.

La joie du hors-sujet

Le Goût de M se savoure comme un bouquin de sociologie. Les propos transpirent évidemment la bourgeoisie et le parisianisme (à commencer par le vouvoiement). La trivialité des sujets abordés impose d’apprécier la personne interrogée : ton intérêt s’étiolera vite dans le cas contraire. Tu devrais néanmoins y trouver ton bonheur tant le casting se veut hétéroclite, serti de grands noms qui ont matière à raconter, dès l’épisode inaugural avec Marina Foïs.

Une fois happé, on découvre une fraîcheur inédite : ça parle cinéma avec des chanteuses et musique en compagnie d’acteurs. Si la « promo » reste présente, elle n’arrive qu’en second temps, après les confidences. Lorsqu’on pense la routine installée, que les questions deviennent plus classiques, le podcast décoche toujours une ellipse pour nous surprendre. Les « où sommes-nous ? » et « comment décririez-vous cet endroit ? » de Géraldine Sarratia sonnent comme des relances rituelles, pour mieux se laisser porter par les mots de l’artiste servant de guide. Les planches de l’escalier de la Comédie Française qui craquent sous les pas. La contemplation de l’étalage d’une librairie attenante au lieu de l’interview. Les cliquetis délicats d’un appareil photo ancestral ramené par François Civil (« il pèse 4 kilos, on dirait un frigo »). Si son titre s’écrit au singulier, les goûts qu’abordent le podcast du Monde se révèlent multiples, authentiques, simples. Alors, Clara Luciani, purée de patates ou de carottes ?

Le Goût de M est un podcast français de Géraldine Sarratia pour Le Monde.

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