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Podcasts de jardinage : le vert-dict d’une passionnée

Chez nous, on a la chance de pouvoir jardiner. Ma compagne Maud a repris en main, avec conviction, le potager de notre maison en périphérie urbaine dès notre emménagement il y a trois ans. Elle s’abreuve de conseils de toutes parts : entourage, vidéos Youtube… mais n’a jamais consulté de podcasts sur le sujet. Pourtant, ces derniers regorgent de conseils inspirants pour celles et ceux en quête de motivations pour bêcher. Crash-test face à une experte sceptique. 

Le geste, ça se regarde

Nous voilà côte-à-côte dans le canapé, à nous demander si le podcast peut constituer un tremplin pour apprentis cultivateurs. “Je suis quelqu’un de visuel. J’ai besoin de voir la manière dont l’outil est manipulé, sinon comment savoir si je m’y prends bien ?”. Emmitouflée dans son plaid (cet article a été mitonné au creux de janvier), celle qui porte la culotte jardinière est sans appel : elle préfère les vidéos de Damien Dekarz ou du Potager d’Olivier pour observer de près leurs manipulations. L’image recèle d’innombrables vertus : comprendre en un coup d’œil ce que désigne le jargon abscons, s’alimenter de repères concrets sur la couleur de la terre, les espaces idéaux séparant les plants, la hauteur des tuteurs, imiter les réflexes…

Pour s’assurer des préférences de Maud, on écoute ensemble un extrait d’On sème fort. Du haut de sa centaine d’épisodes, ce podcast du site Monjardinbio.com enchaîne les conseils à un rythme soutenu. Quand il s’agit d’expliquer pas à pas la méthode pour planter un arbre, difficile de visualiser les mouvements à répéter. “Si je cherche à apprendre, commente Maud, je préfère consulter un tutoriel à l’écrit bardé de photos. Le texte me permet de directement rechercher l’information dont j’ai besoin”. Rude défaite pour le podcast.

Un jardin n’est pas l’autre

Pourtant, On sème fort paraît à un rythme hebdomadaire, ce qui permet au duo d’animateurs de livrer des recommandations presque au jour le jour, en synchronie avec la météo. Mon experte liégeoise rétorque : “Attends, ils sont gentils, mais leurs parcelles sont situées en Alsace, aucun rapport avec notre climat local”. J’apprends que cultiver un havre extérieur relève d’une science complexe, sertie de paramètres : température, type de terre, orientation, verticalité… “Pour que je puisse suivre à la lettre les conseils de quelqu’un, il faudrait qu’un membre du voisinage soit podcasteur, et encore…”.

Pour le coup, les vidéastes que Maud consulte souffrent du même défaut. Et pour cause : maintenant qu’elle a acquis une base suffisante de connaissances, elle se surprend à consulter ces sources pour le plaisir de la découverte plus que dans une optique utilitaire. “J’ai le même rapport aux recettes de cuisine. Je ne les consulte que très rarement pour lire un déroulé que l’on retrouve dans un livre traditionnel ou sur Marmiton.org, car je trouve ce côté pratique complètement désincarné. J’aime que les étapes soient enrobées d’un avis, d’un contexte, d’une humeur. Idem pour un jardin : je préfère qu’un passionné me raconte comment il a découvert la technique du paillage, pourquoi elle correspond à sa philosophie, plutôt qu’il m’expose mécaniquement la marche à suivre”.

Même verdict pour le pourtant redoutable podcast Bons plants, co-produit par Binge Audio et consacré aux cultivateurs urbains : “Je suis contente que des gens puissent faire pousser des légumes dans leurs appartements parisiens, mais leurs échanges me laissent froide. Ils ne sont pas spontanés, on dirait une émission radio classique”.

Semer le partage

Connaissant mon interlocutrice, je m’attendais à cette sentence et je réplique avec une arme imparable : un épisode de Champs d’action accueillant l’autrice et blogueuse Marie Chioca. L’écoute fait directement mouche tant l’invitée prend plaisir à s’épancher sur son rapport à son jardin, en confiant aussi les périodes durant lesquelles s’occuper de ses six (!) enfants l’a forcée à mettre sa passion de côté. Je connais bien ses livres, et elle écrit comme elle parle”, réagit Maud, admirative. “Voilà un podcast que j’ai envie d’écouter. Parce que, comme ta grand-mère et ton parrain qui nous apprennent le nom des plantes lorsqu’on se balade à leurs côtés, Marie transmet son amour de la nature. Ça paraît cliché, mais je n’ai pas d’autres mots : elle sait des choses parce que ça la remplit profondément de joie, et elle n’étale pas sa science par orgueil”. Héhé, le podcast se met à marquer des points.

On enchaîne sur une proposition du Jardin des merlettes au sujet des plantes vivaces, qui reçoit les mêmes louanges. Moins didactique, la narration de la présentatrice, Christine Coulomb, évoque le conte pour enfants et rappelle des souvenirs. “Elle me raconte une histoire et crée presque du suspense”.

Conclusion

Au terme de ce speed-dating avec une poignée de prétendants (on vous a épargné les plus mauvais), le podcast recèle finalement une porte d’entrée enthousiasmante sur l’univers du vert. “Quand j’écoute une passionnée comme Marie Chioca me parler de son jardin, je peux le visualiser”, synthétise Maud. “Ses paroles me permettent de m’évader ou m’inspirent pour des ajouts potentiels à mon propre espace. Je m’imprègne par l’oralité de ses principes, issus de la permaculture : respecter mon sol et prendre le temps de le connaître, ne pas aspirer à ce que mon potager ressemble à une photo de magazine, avec une pelouse millimétrée”.

L’audio fonctionne donc mieux comme embrayeur d’imaginaire que comme outil théorique, fin de la leçon. Il détient aussi, visiblement, des vertus motivantes. Quand je lui demande si elle a quelque chose à ajouter avant de refermer l’échange, Maud abonde : “il faut immédiatement que je rachète des graines !”

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