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Rencontre avec le podcasteur Théo Rivière (« 63-88 »)

Aussi galvanisante que puisse sembler la création, elle commence souvent par une paralysie. Au pied du mur, l’aboutissement d’un projet paraît inatteignable, et l’éternel syndrome de l’imposteur enraye le décollage. Et si on essayait de s’y mettre avec un coach ? Théo Rivière, auteur de jeux professionnels, livre sa méthodologie… en podcast

Qu’on parle de bande-dessinée, de sculpture ou de musique, une même embûche entrave toute activité créatrice : la peur de s’y mettre. La conception de jeux de société a l’avantage de pouvoir s’opérer avec peu de matériel (pour un prototype sommaire, papier, crayons et ciseaux suffisent) et de compétences techniques (on s’en fout si c’est moche ou découpé de travers !). Ce qui ne signifie pas que le processus ne nécessite aucune structure ! On appelle cet art le « game design » : allier mécanique et thématique pour former un tout cohérent qui amusera les convives autour de la table, ou leur fera fumer les méninges, en fonction de l’objectif recherché, du jeu « d’ambiance » à celui de stratégie.

“Démystifier la figure de l’auteur tout-puissant”

Pour s’y retrouver dans cet univers foisonnant (plateau, cartes, dés, coopératif, compétitif…), les créateurs·ices amateurs·ices peuvent compter sur un guide : Théo Rivière. Dans le podcast 63-88, cet auteur professionnel (on entend par là qu’il vit de ses œuvres) expose sa méthode en dialoguant avec Zephiriel, joueur éclairé et podcasteur au sein du collectif Vaisseau Hyper Sensas : « J’essaie de poser des questions qui taraudent les novices, quitte à ce qu’elles puissent sembler naïves. Notre objectif premier consiste à démystifier la figure de l’auteur tout-puissant : la création est affaire de hasard, de galères, de bricoles et de moments eurêka ».

63-88 (qui tire son nom des dimensions standard, en cm, d’une carte à jouer) ne s’écoute pas dans le désordre : il se vit comme un tutoriel dont on suit les étapes méthodiquement, de la première étincelle jusqu’au contrat d’édition, en passant par la collaboration avec les illustrateurs·trices, les phases de fabrication ou les dizaines (voire centaines !) de parties « test » du protoype. Théo abonde : « Faire des jeux, c’est cool, il faut y aller ! Mais la pratique requiert un minimum de connaissances et d’investissement pour que ça se passe le mieux possible. On essaie de donner les clés, avec bienveillance, pour que les débutants.es évitent les erreurs immenses et classiques par lesquels toute la profession est passée ». Fourrer toutes les mécaniques qui te plaisent dans ton projet ? Mauvaise idée, il va devenir indigeste. Commence par te concentrer sur une idée centrale, la plus minimaliste possible. Au fil de l’émondage, l’expérience ludique n’en deviendra que plus fluide et agréable.

Des « stars » accessibles

L’industrie du jeu de société « moderne » est en pleine explosion. 1.800 nouveautés étaient présentées au salon international d’Essen début octobre 2022. Pour autant, ce milieu reste encore accessible : des dizaines de nouveaux éditeurs·trices et auteurs·ices se lancent chaque année, et les quelques pontes qui parviennent à en vivre (Bruno Cathala, Antoine Bauza…) restent ouverts à la discussion. Théo Rivière s’en réjouit : « C’est un peu comme si on faisait du cinéma et que les conseils de Stanley Kubrick étaient à portée d’un message privé. On peut papoter facilement avec plein de gens talentueux, mais on ne sait pas combien de temps ça va encore durer : il faut en profiter ! ». Quand Zephiriel et lui ont eu le sentiment d’avoir fait le tour du cycle de la vie d’un jeu, réinventer la formule a semblé évident : « Les 12 premiers épisodes, qui balisent chronologiquement le processus de création, se limitent à mon prisme, à ma sensibilité, souligne Théo. On ne pouvait pas s’arrêter là : on a tendu le micro à d’autres personnes, d’autres métiers du jeu (illustratrices, distributeurs, chroniqueuses, ludicaires…) pour élargir la focale ». Dans cette optique, le duo a lancé fin octobre 2022 des épisodes spéciaux intitulés « Journaux d’auteurs », qui dévoilent les coulisses de la production d’œuvres incontournables.

Alors, plus qu’à s’y mettre ? Zephiriel a beau incarner le premier récipiendaire des précieux conseils de Théo, le cap reste difficile à passer : « Comme tous les gens qui jouent régulièrement, j’ai des idées de prototypes dans la tête, mais je n’ose pas les présenter, même à des amis proches. Ne faites pas comme moi ! On a d’ailleurs plusieurs auditeurs et auditrices qui ont eu un déclic en écoutant le podcast et qui ont fini par signer leur premier jeu en nous disant ‘C’est un peu grâce à vous’”. Théo renchérit : « La théorie est bonne à prendre tant qu’elle vous motive, mais ne doit pas pour autant devenir source de blocages. Dans 63-88, je donne souvent des recommandations que j’applique mal moi-même, voire que je ne parviens pas du tout à suivre car, en pratique, l’émotionnel prend le dessus ». Comme le dit l’adage, les cordonniers…

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